Derrière l’influence numérique russe, un système de sous-traitance généralisée


Il est très difficile d’identifier l’origine des contenus amplifiés par les réseaux ou les canaux de propagande russophones.

Une étrange chaîne YouTube a fait son apparition au cours du mois d’août. Baptisée « International Stringer Media », elle affirme, en anglais, « travailler avec des pigistes partout dans le monde », mais ne compte que 200 abonnés et sa photo de profil est générée par une intelligence artificielle. Surtout, l’immense majorité des vidéos publiées, une petite vingtaine, est en français. Il s’agit principalement d’interviews de personnalités politiques ou d’experts interrogés sur la géopolitique, notamment sur la guerre en Ukraine. La personne réalisant les entretiens n’apparaît jamais à l’écran, mais la majorité de ces vidéos fait intervenir, en visioconférence, des personnalités identifiées comme favorables au régime russe.

Presque toutes ces vidéos sont reprises par le site Stratpol, largement identifié comme prorusse et dont le responsable, l’ancien militaire Xavier Moreau, présente également une émission pour la chaîne RT. Les articles qui reprennent ces vidéos détonnent avec le reste des contenus publiés sur le site. Certaines formulations sont déconcertantes – une référence à l’eurodéputé Gilbert Collard y est par exemple présentée ainsi : « selon la politique française » – et de nombreuses constructions de phrases laissent penser que le texte est tiré d’une traduction ou généré automatiquement.

Certaines de ces interviews ont également été partagées par plusieurs chaînes Telegram russophones identifiées comme relayant régulièrement de la propagande russe. Selon les informations du Monde, au moins une des personnes interviewées n’a pas été approchée depuis la France, mais depuis la Russie. Elle aurait en effet été contactée, en anglais, par Arsen Papyan, un entrepreneur russe d’origine arménienne qui se présente sur sa chaîne Telegram comme conseiller à la Douma, la chambre basse du parlement russe.

Contacté, le site Stratpol a affirmé ne pas savoir qui gérait la chaîne « International Stringer Media », expliquant que les articles reprenant ces interviews avaient été proposés à travers un formulaire disponible sur le site. Sollicité par courriel, Arsen Papyan n’a quant à lui pas répondu aux questions du Monde.

Rédacteurs locaux et sites du GRU

Un facteur relie les campagnes d’influence numérique russe observées depuis plus d’un an par des ONG, des autorités, mais aussi par Le Monde : elles font intervenir une multitude d’acteurs différents et de sous-traitants qui entretiennent un véritable flou sur les commanditaires de ces opérations. Le réseau « Doppelgänger », vaste ensemble de faux sites d’information et de comptes inauthentiques utilisés pour amplifier des contenus prorusses en Europe, aux Etats-Unis et en Israël, a été attribué par Meta à deux sociétés russes, Social Design Agency et Structura, sanctionnées depuis par l’Union européenne. Les faux comptes Facebook et Twitter utilisés par Doppelgänger pourraient provenir de réseaux plus vastes, qui louent ou vendent au plus offrant leurs comptes factices, dont certains sont par exemple utilisés dans des arnaques à la cryptomonnaie.

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Catégorie article Politique

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